Construire en bois local, c’est possible, mais est-ce facile ?

Comme nous l’avons expliqué dans un précédent article, la construction en bois local présente de nombreux avantages :
  • Aspect environnemental : Réduction de l'empreinte carbone, participation à la gestion durable des forêts

  • Aspect social : Création et maintien d'emploi non délocalisables, circuits courts
À cela, on peut ajouter des avantages conjoncturels : le bois local est effectivement moins impacté que les bois d'importations par les problématiques de tension d'approvisionnement.

On sait que la ressource existe, que les avantages de celle-ci sont multiples, mais qu’en est-il réellement ? Est-ce si simple que cela de construire en bois local ?

Bois local : état des lieux

Certification de la provenance du bois


À l’échelle nationale, le label Bois de France, créé par les professionnels du bois, garantit que le bois est bien issu des forêts françaises et que la transformation de celui-ci (sciage, assemblage, emballage) a bien eu lieu en France.

Quelques régions ont développé des certifications pour du bois local : Bois de Chartreuse (AOC) (bois massif de structure), Bois du Jura (AOC), Bois des Territoires Massif Central, Bois des Alpes, Bois des Pyrénées, Lignum Corsica.

Ces certifications portent sur la provenance (origine des bois, secteur de transformation), sur des normes concernant le bois (classement structurel, séchage, etc.) ou le matériel utilisé (risques professionnels, etc.), sur la durabilité (PEFC ou FSC par exemple) ou encore sur des aspects sociaux (conditions de travail, RSE, etc.).

D'autres certifications certifient un cahier des charges technique sur la qualité des sciages, des bois (ex : Sélection Vosges, Jura Supérieur, Bois Qualité Savoie) ou une essence en particulier (ex. : Sapin du Jura, Terres de Hêtre dans les Vosges ou encore Chêne de l'Allier).

Il est donc possible, en ayant recours à ces labels, de garantir une certaine traçabilité du bois que l’on utilise.

Et pour les autres ?


Actuellement, dans toutes les régions qui ne sont pas concernées par les appellations locales (et c’est le cas de notre belle Bretagne !), si les donneurs d'ordres veulent vraiment du bois local, ils doivent faire du sourcing eux-mêmes : trouver du bois via un propriétaire ou un exploitant forestier, trouver un scieur pour la transformation, et s'assurer que ces intermédiaires sont prêts à coopérer et à garantir l'origine des bois.

Quels sont les freins ?

Faisons un point rapide sur les scieries françaises. D'après des données de 2016, il y a en France 1 494 scieries, sciant chacune 5 336 m³ de bois par an. La plus grande scierie française, la scierie Siat en Alsace, scie 350 000 m³ par an. La plus grande d'Europe, située en Allemagne, scie quant à elle 2,2 millions de m³ par an.

À votre avis, indépendamment de la qualité de la matière première, laquelle de ces scieries sera à même de proposer l’offre 1 - la plus uniforme, 2 - la plus immédiate, 3 - la moins chère ? Et c’est sans compter sur le négoce qui pourra aller choisir les “meilleurs morceaux” dans chaque scierie ! Ces quelques réflexions soulèvent trois obstacles majeurs à l'utilisation du bois local dans la construction.

Constance de la qualité


La qualité des bois dépend de plusieurs paramètres. Quelques systèmes de classement et métriques ont été définis pour les classifier : nombre de nœuds par unité de longueur, résistance mécanique, résistance à l’eau, aux champignons, taux d’humidité, etc.

Le problème de la constance de la qualité n'est pas vraiment une question de qualité intrinsèque du bois, les charpentes noueuses en chêne que l'on voit sur les vieux bâtiments tiennent encore très bien, mais surtout une question d'habitudes et de normes. Il y a des habitudes à toutes les étapes de la chaîne : les artisans sont habitués à travailler certains produits, l'appareil de transformation s'est adapté à la demande et à l'offre en matière première (les scieries sont très majoritairement faites pour les résineux alors que la forêt est très majoritairement feuillue).

Concernant le cadre réglementaire, les chantiers de constructions sont soumis aux DTU (Documents Techniques Unifiés), qui sont des normes qui codifient les règles de l'art, fruits d'un consensus entre les parties prenantes d'un chantier (artisans, les maîtres d'ouvrage, les architectes). Ces DTU n'ont pas valeur d'obligation légale, mais sont quasiment obligatoires pour l'assurabilité de certains projets.

Loin de remettre en cause la pertinence de ces documents, il faut reconnaître que, comme tous les efforts de normalisation, ils excluent de fait certains matériaux ou techniques.

Cependant, ces réglementations sont évolutives, et par exemple le DTU 31-1, qui précise les règles pour la mise en œuvre des charpentes en bois, a récemment été modifié et le classement visuel des bois, qui repose sur le savoir-faire de l'artisan, est désormais reconnu, ce qui ouvre la porte à une utilisation plus importante de la ressource locale.

Disponibilité de la ressource


Nous le savons, et nous le répétons bien assez : la ressource en bois est disponible localement. Cependant, si vous avez l'habitude de manger des fraises au mois de janvier, et que votre maraîcher vous dit que ce n'est pas la saison. Deux solutions s'offrent à vous : soit vous allez au supermarché acheter vos fraises, soit vous acceptez de manger des pommes.

Pour le bois, c'est un peu la même chose : les constructeurs veulent décider vite, et ils ont leurs habitudes. Seule une volonté délibérée de la part de ceux-ci d’avoir recours à du bois local peut leur faire adopter une perspective différente.

Prix


En raison des très gros volumes produits, le prix des bois résineux importés est compétitif par rapport aux sciages locaux.

Est-ce donc impossible ?

Malgré les freins que nous avons cités plus haut, il est une chose qu'il est important de souligner : chaque jour, des scieurs et des artisans travaillent déjà avec du bois local. Comme le coût du transport peut être conséquent, les scieries cherchent du bois le plus proche possible, et élargissent leur rayon si elles n'en trouvent pas. En Normandie, une étude de Fibois a montré que le rayon d'approvisionnement des scieries était de moins de 200 km, et allait de 50 km pour les petites scieries artisanales jusqu'à 500 km pour les grosses unités. Le seul problème, c'est que ce bois n'est pas (encore) valorisé comme tel !

La connaissance précise de l’origine des bois mis en œuvre n'est pas facilitée par le manque de processus opérationnels pour tracer le bois tout au long de la chaîne. À l’heure actuelle, les différents acteurs n’ont d’ailleurs pas d’incitation à faire des efforts, soit car ils ont trop de travail, auquel cas l’identification de leur matière première serait perçue comme contraignante, soit car une bonne partie de leurs approvisionnements sont lointains, auquel cas ils n’auraient aucun intérêt à divulguer une information qui pourrait être mal perçue par leurs clients.

Si vous voulez du local, faites-le savoir !

Finalement, construire en bois local est-il facile ou non ?

Si l’on veut des bâtiments uniformes, que l’on veut les matériaux tout de suite, alors oui, construire en bois local peut être difficile. Cependant si l’on est prêts à remettre en question certaines de nos façons de faire, alors construire en bois local devient possible.

Il est donc nécessaire, pour que les pratiques de la filière évoluent, que les différents acteurs perçoivent une vraie plus-value liée à une identification de la matière première locale. C’est donc à l’aval de la filière (constructeurs, architectes, artisans) de montrer l’exemple en demandant du bois local, ou a minima une meilleure traçabilité du bois.

Sources

Sur les scieries normandes : État des lieux des scieries normandes, 2020

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Construire en bois local, c’est possible, mais est-ce facile ?

Comme nous l’avons expliqué dans un précédent article, la construction en bois local présente de nombreux avantages :
  • Aspect environnemental : Réduction de l'empreinte carbone, participation à la gestion durable des forêts

  • Aspect social : Création et maintien d'emploi non délocalisables, circuits courts
À cela, on peut ajouter des avantages conjoncturels : le bois local est effectivement moins impacté que les bois d'importations par les problématiques de tension d'approvisionnement.

On sait que la ressource existe, que les avantages de celle-ci sont multiples, mais qu’en est-il réellement ? Est-ce si simple que cela de construire en bois local ?

Bois local : état des lieux

Certification de la provenance du bois


À l’échelle nationale, le label Bois de France, créé par les professionnels du bois, garantit que le bois est bien issu des forêts françaises et que la transformation de celui-ci (sciage, assemblage, emballage) a bien eu lieu en France.

Quelques régions ont développé des certifications pour du bois local : Bois de Chartreuse (AOC) (bois massif de structure), Bois du Jura (AOC), Bois des Territoires Massif Central, Bois des Alpes, Bois des Pyrénées, Lignum Corsica.

Ces certifications portent sur la provenance (origine des bois, secteur de transformation), sur des normes concernant le bois (classement structurel, séchage, etc.) ou le matériel utilisé (risques professionnels, etc.), sur la durabilité (PEFC ou FSC par exemple) ou encore sur des aspects sociaux (conditions de travail, RSE, etc.).

D'autres certifications certifient un cahier des charges technique sur la qualité des sciages, des bois (ex : Sélection Vosges, Jura Supérieur, Bois Qualité Savoie) ou une essence en particulier (ex. : Sapin du Jura, Terres de Hêtre dans les Vosges ou encore Chêne de l'Allier).

Il est donc possible, en ayant recours à ces labels, de garantir une certaine traçabilité du bois que l’on utilise.

Et pour les autres ?


Actuellement, dans toutes les régions qui ne sont pas concernées par les appellations locales (et c’est le cas de notre belle Bretagne !), si les donneurs d'ordres veulent vraiment du bois local, ils doivent faire du sourcing eux-mêmes : trouver du bois via un propriétaire ou un exploitant forestier, trouver un scieur pour la transformation, et s'assurer que ces intermédiaires sont prêts à coopérer et à garantir l'origine des bois.

Quels sont les freins ?

Faisons un point rapide sur les scieries françaises. D'après des données de 2016, il y a en France 1 494 scieries, sciant chacune 5 336 m³ de bois par an. La plus grande scierie française, la scierie Siat en Alsace, scie 350 000 m³ par an. La plus grande d'Europe, située en Allemagne, scie quant à elle 2,2 millions de m³ par an.

À votre avis, indépendamment de la qualité de la matière première, laquelle de ces scieries sera à même de proposer l’offre 1 - la plus uniforme, 2 - la plus immédiate, 3 - la moins chère ? Et c’est sans compter sur le négoce qui pourra aller choisir les “meilleurs morceaux” dans chaque scierie ! Ces quelques réflexions soulèvent trois obstacles majeurs à l'utilisation du bois local dans la construction.

Constance de la qualité


La qualité des bois dépend de plusieurs paramètres. Quelques systèmes de classement et métriques ont été définis pour les classifier : nombre de nœuds par unité de longueur, résistance mécanique, résistance à l’eau, aux champignons, taux d’humidité, etc.

Le problème de la constance de la qualité n'est pas vraiment une question de qualité intrinsèque du bois, les charpentes noueuses en chêne que l'on voit sur les vieux bâtiments tiennent encore très bien, mais surtout une question d'habitudes et de normes. Il y a des habitudes à toutes les étapes de la chaîne : les artisans sont habitués à travailler certains produits, l'appareil de transformation s'est adapté à la demande et à l'offre en matière première (les scieries sont très majoritairement faites pour les résineux alors que la forêt est très majoritairement feuillue).

Concernant le cadre réglementaire, les chantiers de constructions sont soumis aux DTU (Documents Techniques Unifiés), qui sont des normes qui codifient les règles de l'art, fruits d'un consensus entre les parties prenantes d'un chantier (artisans, les maîtres d'ouvrage, les architectes). Ces DTU n'ont pas valeur d'obligation légale, mais sont quasiment obligatoires pour l'assurabilité de certains projets.

Loin de remettre en cause la pertinence de ces documents, il faut reconnaître que, comme tous les efforts de normalisation, ils excluent de fait certains matériaux ou techniques.

Cependant, ces réglementations sont évolutives, et par exemple le DTU 31-1, qui précise les règles pour la mise en œuvre des charpentes en bois, a récemment été modifié et le classement visuel des bois, qui repose sur le savoir-faire de l'artisan, est désormais reconnu, ce qui ouvre la porte à une utilisation plus importante de la ressource locale.

Disponibilité de la ressource


Nous le savons, et nous le répétons bien assez : la ressource en bois est disponible localement. Cependant, si vous avez l'habitude de manger des fraises au mois de janvier, et que votre maraîcher vous dit que ce n'est pas la saison. Deux solutions s'offrent à vous : soit vous allez au supermarché acheter vos fraises, soit vous acceptez de manger des pommes.

Pour le bois, c'est un peu la même chose : les constructeurs veulent décider vite, et ils ont leurs habitudes. Seule une volonté délibérée de la part de ceux-ci d’avoir recours à du bois local peut leur faire adopter une perspective différente.

Prix


En raison des très gros volumes produits, le prix des bois résineux importés est compétitif par rapport aux sciages locaux.

Est-ce donc impossible ?

Malgré les freins que nous avons cités plus haut, il est une chose qu'il est important de souligner : chaque jour, des scieurs et des artisans travaillent déjà avec du bois local. Comme le coût du transport peut être conséquent, les scieries cherchent du bois le plus proche possible, et élargissent leur rayon si elles n'en trouvent pas. En Normandie, une étude de Fibois a montré que le rayon d'approvisionnement des scieries était de moins de 200 km, et allait de 50 km pour les petites scieries artisanales jusqu'à 500 km pour les grosses unités. Le seul problème, c'est que ce bois n'est pas (encore) valorisé comme tel !

La connaissance précise de l’origine des bois mis en œuvre n'est pas facilitée par le manque de processus opérationnels pour tracer le bois tout au long de la chaîne. À l’heure actuelle, les différents acteurs n’ont d’ailleurs pas d’incitation à faire des efforts, soit car ils ont trop de travail, auquel cas l’identification de leur matière première serait perçue comme contraignante, soit car une bonne partie de leurs approvisionnements sont lointains, auquel cas ils n’auraient aucun intérêt à divulguer une information qui pourrait être mal perçue par leurs clients.

Si vous voulez du local, faites-le savoir !

Finalement, construire en bois local est-il facile ou non ?

Si l’on veut des bâtiments uniformes, que l’on veut les matériaux tout de suite, alors oui, construire en bois local peut être difficile. Cependant si l’on est prêts à remettre en question certaines de nos façons de faire, alors construire en bois local devient possible.

Il est donc nécessaire, pour que les pratiques de la filière évoluent, que les différents acteurs perçoivent une vraie plus-value liée à une identification de la matière première locale. C’est donc à l’aval de la filière (constructeurs, architectes, artisans) de montrer l’exemple en demandant du bois local, ou a minima une meilleure traçabilité du bois.

Sources

Sur les scieries normandes : État des lieux des scieries normandes, 2020

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