Couper un arbre pour construire, est-ce écolo ?

Derrière cette question un peu naïve se cache une problématique complexe… A travers cet article, nous vous proposons quelques éléments de réponse pour tenter d’y voir plus clair.

“Couper des arbres, c’est détruire la forêt !”


En préambule, commençons par souligner l’évidence : oui, quand on coupe un arbre, on détruit sur le moment l’habitat de nombreuses espèces. A fortiori quand on coupe tous les arbres d’une zone. Il serait faux de dire que l’activité de récolte du bois est sans impact sur l’environnement. Oui, cette activité a un impact, à l’instar de la majorité des activités humaines.

Ne perdons pas de vue ce point important : la forêt est un lieu de vie de nombreuses espèces sauvages, un refuge de biodiversité. Elle rend de nombreux services écosystémiques et a un rôle de puits de carbone. Quand on l’exploite, on perturbe tout cela.

Le tout est de trouver un équilibre acceptable entre les perturbations engendrées par nos besoins et la préservation des services rendus par les forêts.

Il convient cependant de nuancer cette première réponse :

  • Les arbres repoussent. La “destruction” de ceux-ci n’est donc que temporaire pourvu qu’on se donne la peine de replanter ou de laisser les pousses naturelles croître. En France, le code forestier encadre les pratiques sylvicoles, et de plus en plus de parcelles sont certifiées PEFC ou FSC, garantissant une gestion durable de celles-ci. A échelle humaine, la reconstitution d’une forêt coupée peut sembler longue… mais c’est un temps relativement court à l’échelle géologique.

  • En France, la forêt croît depuis le XIXe siècle. Tant en surface qu’en stock de bois sur pied en forêt. Même si la menace du dérèglement climatique pèse sur la forêt française, celle-ci continue de croître pour le moment. Il n’y a donc pas de menace de déforestation dans notre pays à l’heure actuelle.

  • Valoriser économiquement les arbres, c’est une façon d’inciter les propriétaires à ne pas changer l’usage de leurs terres. C’est d’ailleurs une des raisons de la déforestation dans les zones tropicales : il est souvent plus rentable économiquement de remplacer la forêt sans valeur marchande par des champs d’une culture quelconque qui, elle, rapportera de l’argent.

  • Le terme “forêt” peut cacher différentes réalités : si certains espaces sont effectivement de véritables refuges de biodiversité, d’autres sont plutôt des “plantations” d’arbres, pensées pour être récoltées de manière industrielle. S’il semble important de préserver les premiers pour éviter qu’ils se transforment en les seconds, il faut tenir compte de ces différences lorsqu’on juge le mode d’exploitation d’une parcelle. Certaines ont été plantées dans l’objectif d’être exploitées.

  • Les modes d’exploitation des forêts sont divers : si l’on peut légitimement se questionner sur l’impact écologique d’une coupe rase sur des dizaines d’hectares (quoique certaines soient parfois justifiées d’un point de vue sanitaire), d’autres propriétaires font une exploitation moins intensive de leurs forêts, prenant garde à ne pas créer de trop gros “trous” dans le couvert forestier, ou exploitant parfois les arbres à l’unité. On ne peut plus alors parler de “destruction de la forêt”.

Quel impact sur le CO2 ?


Pour commencer, rappelons que la question du CO2 n’est qu’un aspect parmi d’autres de la question écologique (c’est le sens de la discussion de la section précédente, il ne faut pas occulter le reste). Elle est néanmoins particulièrement importante puisqu’il s’agit du principal gaz à effet de serre et que la diminution de sa concentration dans l'atmosphère présente l’un des défis majeurs auquel notre société est actuellement confrontée.
La filière a coutume de mettre en avant les “3 S du bois” : séquestration, stockage et substitution :

  • Séquestration : pour produire du bois, l’arbre absorbe le CO2 de l'atmosphère et le combine à l’eau qu’il puise dans le sol lors de la réaction de photosynthèse. La production de bois a pour conséquence de séquestrer le dioxyde de carbone sous forme de matière organique.

  • Stockage : une fois sous forme de bois, le carbone peut être stocké très longtemps… parfois plusieurs siècles ! Tant que le bois n’est pas détruit (par le feu ou par d’autres organismes), le carbone reste stocké.

  • Substitution : le bois est un matériau qui peut être utilisé à la place d’autres beaucoup plus émissifs (pêle-mêle : béton, acier, plastiques…). Ce faisant, il permet d’éviter des émissions de CO2 supplémentaires.
Une question légitime que la coupe d’arbres peut cependant soulever est la suivante :

“Si l’on veut séquestrer et stocker le plus de carbone possible, ne vaut-il pas mieux laisser l’arbre en vie plutôt que de le couper ?”

En effet, un arbre en vie constitue à la fois un stock de carbone ET une pompe à carbone. Une fois coupé, il n’est plus qu’un stock.

Cependant, l’intensité de la captation du carbone par un arbre dépend de son âge. C’est dans ses jeunes années qu’un arbre capte le plus de carbone. Ainsi, en coupant un vieil arbre, on fait de la place pour de jeunes individus qui capteront mieux le carbone.

De plus, si on laisse l’arbre sur pied, alors le bois qu’il contient ne peut pas jouer son rôle de substitution dans les activités humaines. Le stock reste en forêt et ne peut pas être utilisé comme matériau, laissant la place à d’autres moins respectueux de l’environnement. Ne pas exploiter le bois, c’est se passer d’un matériau relativement “propre” en comparaison de beaucoup d’autres.

Enfin, le stock de carbone sur pied est vulnérable. L’arbre en forêt peut subir différents aléas qui entraîneront la destruction du bois sans que celui-ci ait pu être utilisé. Incendies, tempêtes, maladies, sécheresses à répétition… Les risques sont multiples. Lorsque le bois est détruit, le carbone qu’il contient est rejeté sous forme de CO2 dans l’atmosphère. Il vaut donc mieux parfois couper un arbre arrivé à maturité pour stocker son carbone sous forme de charpente plutôt que de le laisser dans une forêt.

Le graphique ci-dessous permet de donner l’idée générale derrière l’exploitation raisonnée de la forêt pour stocker le carbone. On y représente les unités de carbone stockées par unité de forêt au cours du temps.
  • La courbe bleue représente l’accumulation de carbone dans une forêt qui croît de façon continue.

  • La courbe orange représente la quantité de carbone stocké dans cette même forêt qui subirait deux aléas majeurs aux alentours de 100 ans et de 250 ans.

  • La courbe verte représente la quantité de carbone stockée avec une exploitation de la forêt tous les 100 ans : on considère que ⅓ du volume de bois récupéré est stocké sous forme de produits à longue durée de vie et que l’on replante la forêt.
Il s’agit bien de courbes “de principe” : de vraies courbes chiffrées dépendent évidemment des espèces d’arbres considérées ainsi que du mode d’exploitation choisi. Elle dépend aussi de la durée de vie des produits réalisés à base de bois. L’idée qu’il faut retenir est la suivante : si l’on stocke durablement le bois sous forme de biens, à long terme, une exploitation raisonnée permet de stocker plus de carbone que de laisser la forêt en libre évolution, et d’autant plus si l’on considère une forêt soumise à des aléas.

Nuançons légèrement ce propos : une forêt laissée en libre évolution stocke du carbone dans toute la biomasse et dans l’humus qui se développent en son sein, et qui sont bien plus riches que dans une forêt exploitée régulièrement. Il n’y a donc pas QUE le carbone présent sous forme de bois à prendre en compte. Malgré tout, à long terme, une certaine exploitation de la forêt permet un meilleur stockage du CO2.

Une affaire de mesure


Le bois est un formidable allié dans la transition écologique en cours. Son utilisation comme matériau a un vrai impact positif sur le bilan carbone des projets. Il ne faudrait pas cependant que ses nombreuses qualités nous fassent oublier son origine : la coupe d’arbres en forêt.

Pour que l’exploitation d’un arbre soit VRAIMENT écolo, il faut que celle-ci soit raisonnée et que le bois récupéré soit utilisé prioritairement pour des usages de long terme, comme par exemple la construction. Il convient de faire preuve de mesure dans l’utilisation que nous faisons de ce matériau. Le bois est disponible en quantité en France à l’heure actuelle, mais à terme, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la sobriété, sans laquelle la pression exercée sur les forêts comme lieu de production de matière première serait beaucoup trop forte pour être durable.

La question est éminemment politique : où faut-il placer le curseur entre forêt de production et forêt de services écologiques ? Quoiqu’il en soit, le bois sera à n’en pas douter une ressource stratégique pour l’avenir, et connaître de manière plus fine son origine et les chaînes d’approvisionnement sera nécessaire pour s’assurer de la bonne qualité environnementale des projets.

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Derrière cette question un peu naïve se cache une problématique complexe… A travers cet article, nous vous proposons quelques éléments de réponse pour tenter d’y voir plus clair.

“Couper des arbres, c’est détruire la forêt !”


En préambule, commençons par souligner l’évidence : oui, quand on coupe un arbre, on détruit sur le moment l’habitat de nombreuses espèces. A fortiori quand on coupe tous les arbres d’une zone. Il serait faux de dire que l’activité de récolte du bois est sans impact sur l’environnement. Oui, cette activité a un impact, à l’instar de la majorité des activités humaines.

Ne perdons pas de vue ce point important : la forêt est un lieu de vie de nombreuses espèces sauvages, un refuge de biodiversité. Elle rend de nombreux services écosystémiques et a un rôle de puits de carbone. Quand on l’exploite, on perturbe tout cela.

Le tout est de trouver un équilibre acceptable entre les perturbations engendrées par nos besoins et la préservation des services rendus par les forêts.

Il convient cependant de nuancer cette première réponse :

  • Les arbres repoussent. La “destruction” de ceux-ci n’est donc que temporaire pourvu qu’on se donne la peine de replanter ou de laisser les pousses naturelles croître. En France, le code forestier encadre les pratiques sylvicoles, et de plus en plus de parcelles sont certifiées PEFC ou FSC, garantissant une gestion durable de celles-ci. A échelle humaine, la reconstitution d’une forêt coupée peut sembler longue… mais c’est un temps relativement court à l’échelle géologique.

  • En France, la forêt croît depuis le XIXe siècle. Tant en surface qu’en stock de bois sur pied en forêt. Même si la menace du dérèglement climatique pèse sur la forêt française, celle-ci continue de croître pour le moment. Il n’y a donc pas de menace de déforestation dans notre pays à l’heure actuelle.

  • Valoriser économiquement les arbres, c’est une façon d’inciter les propriétaires à ne pas changer l’usage de leurs terres. C’est d’ailleurs une des raisons de la déforestation dans les zones tropicales : il est souvent plus rentable économiquement de remplacer la forêt sans valeur marchande par des champs d’une culture quelconque qui, elle, rapportera de l’argent.

  • Le terme “forêt” peut cacher différentes réalités : si certains espaces sont effectivement de véritables refuges de biodiversité, d’autres sont plutôt des “plantations” d’arbres, pensées pour être récoltées de manière industrielle. S’il semble important de préserver les premiers pour éviter qu’ils se transforment en les seconds, il faut tenir compte de ces différences lorsqu’on juge le mode d’exploitation d’une parcelle. Certaines ont été plantées dans l’objectif d’être exploitées.

  • Les modes d’exploitation des forêts sont divers : si l’on peut légitimement se questionner sur l’impact écologique d’une coupe rase sur des dizaines d’hectares (quoique certaines soient parfois justifiées d’un point de vue sanitaire), d’autres propriétaires font une exploitation moins intensive de leurs forêts, prenant garde à ne pas créer de trop gros “trous” dans le couvert forestier, ou exploitant parfois les arbres à l’unité. On ne peut plus alors parler de “destruction de la forêt”.

Quel impact sur le CO2 ?


Pour commencer, rappelons que la question du CO2 n’est qu’un aspect parmi d’autres de la question écologique (c’est le sens de la discussion de la section précédente, il ne faut pas occulter le reste). Elle est néanmoins particulièrement importante puisqu’il s’agit du principal gaz à effet de serre et que la diminution de sa concentration dans l'atmosphère présente l’un des défis majeurs auquel notre société est actuellement confrontée.
La filière a coutume de mettre en avant les “3 S du bois” : séquestration, stockage et substitution :

  • Séquestration : pour produire du bois, l’arbre absorbe le CO2 de l'atmosphère et le combine à l’eau qu’il puise dans le sol lors de la réaction de photosynthèse. La production de bois a pour conséquence de séquestrer le dioxyde de carbone sous forme de matière organique.

  • Stockage : une fois sous forme de bois, le carbone peut être stocké très longtemps… parfois plusieurs siècles ! Tant que le bois n’est pas détruit (par le feu ou par d’autres organismes), le carbone reste stocké.

  • Substitution : le bois est un matériau qui peut être utilisé à la place d’autres beaucoup plus émissifs (pêle-mêle : béton, acier, plastiques…). Ce faisant, il permet d’éviter des émissions de CO2 supplémentaires.
Une question légitime que la coupe d’arbres peut cependant soulever est la suivante :

“Si l’on veut séquestrer et stocker le plus de carbone possible, ne vaut-il pas mieux laisser l’arbre en vie plutôt que de le couper ?”

En effet, un arbre en vie constitue à la fois un stock de carbone ET une pompe à carbone. Une fois coupé, il n’est plus qu’un stock.

Cependant, l’intensité de la captation du carbone par un arbre dépend de son âge. C’est dans ses jeunes années qu’un arbre capte le plus de carbone. Ainsi, en coupant un vieil arbre, on fait de la place pour de jeunes individus qui capteront mieux le carbone.

De plus, si on laisse l’arbre sur pied, alors le bois qu’il contient ne peut pas jouer son rôle de substitution dans les activités humaines. Le stock reste en forêt et ne peut pas être utilisé comme matériau, laissant la place à d’autres moins respectueux de l’environnement. Ne pas exploiter le bois, c’est se passer d’un matériau relativement “propre” en comparaison de beaucoup d’autres.

Enfin, le stock de carbone sur pied est vulnérable. L’arbre en forêt peut subir différents aléas qui entraîneront la destruction du bois sans que celui-ci ait pu être utilisé. Incendies, tempêtes, maladies, sécheresses à répétition… Les risques sont multiples. Lorsque le bois est détruit, le carbone qu’il contient est rejeté sous forme de CO2 dans l’atmosphère. Il vaut donc mieux parfois couper un arbre arrivé à maturité pour stocker son carbone sous forme de charpente plutôt que de le laisser dans une forêt.

Le graphique ci-dessous permet de donner l’idée générale derrière l’exploitation raisonnée de la forêt pour stocker le carbone. On y représente les unités de carbone stockées par unité de forêt au cours du temps.
  • La courbe bleue représente l’accumulation de carbone dans une forêt qui croît de façon continue.

  • La courbe orange représente la quantité de carbone stocké dans cette même forêt qui subirait deux aléas majeurs aux alentours de 100 ans et de 250 ans.

  • La courbe verte représente la quantité de carbone stockée avec une exploitation de la forêt tous les 100 ans : on considère que ⅓ du volume de bois récupéré est stocké sous forme de produits à longue durée de vie et que l’on replante la forêt.
Il s’agit bien de courbes “de principe” : de vraies courbes chiffrées dépendent évidemment des espèces d’arbres considérées ainsi que du mode d’exploitation choisi. Elle dépend aussi de la durée de vie des produits réalisés à base de bois. L’idée qu’il faut retenir est la suivante : si l’on stocke durablement le bois sous forme de biens, à long terme, une exploitation raisonnée permet de stocker plus de carbone que de laisser la forêt en libre évolution, et d’autant plus si l’on considère une forêt soumise à des aléas.

Nuançons légèrement ce propos : une forêt laissée en libre évolution stocke du carbone dans toute la biomasse et dans l’humus qui se développent en son sein, et qui sont bien plus riches que dans une forêt exploitée régulièrement. Il n’y a donc pas QUE le carbone présent sous forme de bois à prendre en compte. Malgré tout, à long terme, une certaine exploitation de la forêt permet un meilleur stockage du CO2.

Une affaire de mesure


Le bois est un formidable allié dans la transition écologique en cours. Son utilisation comme matériau a un vrai impact positif sur le bilan carbone des projets. Il ne faudrait pas cependant que ses nombreuses qualités nous fassent oublier son origine : la coupe d’arbres en forêt.

Pour que l’exploitation d’un arbre soit VRAIMENT écolo, il faut que celle-ci soit raisonnée et que le bois récupéré soit utilisé prioritairement pour des usages de long terme, comme par exemple la construction. Il convient de faire preuve de mesure dans l’utilisation que nous faisons de ce matériau. Le bois est disponible en quantité en France à l’heure actuelle, mais à terme, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la sobriété, sans laquelle la pression exercée sur les forêts comme lieu de production de matière première serait beaucoup trop forte pour être durable.

La question est éminemment politique : où faut-il placer le curseur entre forêt de production et forêt de services écologiques ? Quoiqu’il en soit, le bois sera à n’en pas douter une ressource stratégique pour l’avenir, et connaître de manière plus fine son origine et les chaînes d’approvisionnement sera nécessaire pour s’assurer de la bonne qualité environnementale des projets.

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